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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/207

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sombre et sans horizon. Lutz, l’âme gonflée de rage, la joue rouge, tenait de la droite une épée et la brandissait furieusement. Le philosophe, calmé, songeait au scarabée, son frère, qui était mort, et il appuyait la pointe de son arme sur le sol verdoyant, espoir des trépassés. Le soir venait. Un rossignol chanta.

Le rossignol chanta la mort du scarabée sur un mineur grave et solennel ; puis reprenant en majeur, il entonna je ne sais quelle marche guerrière qui excitait à la vengeance. Et le duel commença au milieu d’un choeur général de tous les oiseaux de la forêt, amis et admirateurs du magnifique Mirobolans.

Lutz était vigoureux et retors. Wilfried, frêle, était brave. Au premier choc l’épée malhabile de celui-ci sauta de sa main dans une fougère et il se vit désarmé. Le chœur des oiseaux redoubla de vaillance, et le darwiniste, la tête baissée, songeait à son frère, le scarabée, qui gisait, roide, sur l’horrible épingle. Lutz s’approcha pour frapper son ennemi.

— Suis-je une bête sans défense pour que tu m’assassines dans les bois ! dit Wilfried.

Et, bondissant sur son épée, il la ramassa et fondit sur le savant cruel, à l’improviste, la pointe en avant. Et lui, le savant doux, il le