Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tôt qu’à activer la machine pour rester en deçà ou en delà du pas magique.

Ainsi parla le malicieux Petit Poucet, et je crus, à l’ouïr, entendre le jeune David auner la trajectoire de sa fronde au front de Goliath.

Et voici qu’à son conseil, la main sur une roue docile et sensible comme un ressort de montre, je précédais ou suivais, l’esquivant toujours, le Polyphème retombant une lieue trop près ou trop loin.

Nous arrivions ainsi, en cette chasse fantastique, à je ne sais quelle région dénudée et sablonneuse, semée d’ajoncs fleuris d’or, au travers desquels la mer bleuissait. A son bruit familier à mes oreilles, et comparable à une grande toile qu’on déchire, je jugeai que nous n’étions qu’à deux lieues environ de son gouffre, et j’allais serrer les freins de la vertigineuse pour ne pas y choir quand l’enfant me cria :

— Va donc, lâche tout, il est perdu !

Et l’ogre imbécile, en effet, de son enjambée géométrique, s’écarquilla, et s’en alla tomber dans les eaux jaillissantes. Notre élan, d’ailleurs, à nous-mêmes, était tel que nous ne stoppâmes que dans les premiers flots.

Croirais-tu, mon cher Mirbeau, que notre coquin de puérophage nageait comme Neptune