Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

présente à Kerlot, le rusé, et, tout de go, sans prendre le temps de lui donner le bonjour :

— Cette fois, je veux ce qui est en terre.

Or, le Breton avait semé du froment dans le même champ, et c’était les épis de blé, gros comme en Égypte, qui le couvraient d’une chape d’or merveilleuse. Il en eut plein son moulin. C’est ainsi que le paysan se servait du démon pour sa fortune.

On m’a affirmé qu’en Normandie le Malin est beaucoup moins bête, et cela tient probablement à ce que les Normands n’ont ni pèlerinages ni pardons, et sont donc moins protégés que les Celtes. Toujours est-il que Jean Kerlot en faisait voir au « nôtre » de toutes les couleurs de la mer, et Dieu sait si elle en change ! Le diable de Bretagne s’acharnait cependant sur le meunier matois, je crois bien que c’était à cause de son cidre, du pur jus, à la vérité, et il ne lâchait point l’espoir d’avoir son âme.

— Vends-la moi, ami Jean, et fais ton prix ?

— Je ne dis pas non, traînait l’autre, en mâchonnant un brin de romarin ; mais j’ai trois enfants et je ne suis pas encore assez riche pour mourir. En outre, j’ai promis une belle aube en dentelle au pasteur de l’église, et c’est cher, à