Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

point de corps, point d’Élie. Lorsqu’un matin on vint dire à Anne-Marie, laquelle ne savait rien encore :

« — Il y a sur la grève de la Roche-Pelée un cadavre tout blanc qui ressemble à ton homme si ce n’est lui.

« Car il fallait la ménager.

« Elle y va et le trouve amarré sur ce rocher qui est tout pareil à une bête couchée, avec une tête de femme. Pour tout le monde et pour vous-même, si vous eussiez été là, le gars était mort. Mais pour elle, il ne l’était pas. Il faut croire aussi que le bon Dieu fait des miracles. Toujours est-il qu’elle se colla sur lui, comme un minard (pieuvre), bouche à bouche, à croire que leur nuit de noces recommençait. Où avait-elle appris ce remède, cette Anne-Marie ? Pendant des heures et des heures, elle lui souffla dans la poitrine, sans débrider des lèvres, et, monsieur, elle l’a fait revenir, car c’est lui que vous avez vu tout à l’heure.

Et le narrateur breton ajouta :

— Seulement, pour le ressusciter, elle a été obligée de lui passer la moitié de son âme.

Et le cabaretier conclut :

— Voilà la cause pour laquelle on les appelle dans le pays : les Demi-Ames. Mais ils sont inof-