Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/238

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fensifs, et vous n’avez rien à craindre d’eux, quand vous dessinez sur la grève. Est-ce triste, une fille si malicieuse ! la voilà « diote » à présent.

Aujourd’hui, jour des Morts, j’ai appris que les Demi-Ames s’étaient envolées. Ils sont morts ensemble presque à la même minute et dans la même heure. On les a trouvés dans leur chaumière assis devant l’âtre éteint, et côte à côte sur deux escabeaux rapprochés.

Un vieux Breton m’a dit :

— Moi, je me demande qui va les prendre ?

Oui, qui va les prendre ? dites-le moi. Car les Demi-Ames n’avaient qu’une âme pour deux, et là-haut on veut des âmes bien entières. Que ce soit Satan ou le bon Dieu qui les jugent, ces juges exigent une âme par corps. Leurs lois sont formelles. Quand ils se réincorporeront pour l’éternité, comment le pauvre Élie arrivera-t-il à faire entrer la sienne, la vraie, celle qu’il a perdue à l’eau, dans le fourreau déjà à moitié rempli ? Il lui en sortira donc une partie hors du corps ? Et d’autre part, Anne-Marie, dépourvue de sa moitié d’âme, avec quoi remplira-t-elle sa gaine demi-vide ? Peut-être, et je le crois, avec le surplus de celle