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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/293

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fût aggloméré dans son crâne, il entrât, pour se distraire, dans un café-chantant où les camarades du mess lui avaient signalé une jolie fille. Elle répondait, et sur un signe, au prénom turc de Zulma. De talent, point ; l’esprit d’une oie ; mais, vraiment charmante aux chandelles, et comme, de toutes parts, on s’arrachait la divette, tant il pleut d’ennui en province, le pauvre trésorier s’en était féru jusqu’à la fureur, dite en grec : dionysiaque. Elle ne lui résista que le temps de le coter à son prix de rendement hebdomadaire et, références prises, elle fut à lui, avec partage. Par malheur, il voulut être seul les sept jours de la semaine et Zulma, sans préférence, y posa les conditions de surenchère usuelles dans le négoce. — De telle sorte que, dans la caisse du régiment, la « grenouille », d’abord tronquée, coassa, puis, mangée, se tut, morte.

Le jour, le dernier du mois, où l’intendance militaire annonça sa bonne visite au capitaine, à fin de vérification de comptes, l’enfant de Mars qui, je le répète, était un brave, s’en alla prendre un air de balade sur les bords allongés du canal, dont la ville est traversée d’outre en outre comme une poitrine par un sabre. C’est un vieux canal dormant, abondant en herbes,