Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/294

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et dont le transit est ruiné depuis cent ans par la voie ferrée qui le côtoie et l’inutilise. Le capitaine s’amusait à le sonder par quelques pierres lancées d’un bras nerveux, lorsqu’il vit venir, en sens inverse, cet excellent M. Camuret, notaire notoire et fort aimable de la ville à la belle cathédrale.

— Que diable faites-vous par ici ?

— Et vous-même ?

— Vous le voyez, des ronds dans l’eau.

— Oui, on ne sait comment tuer le temps, avait souri le tabellion ; tenez, le croiriez-vous, moi qui vous parle, j’allais au cercle !

Le capitaine regarda fixement ses bottes :

— Au cercle ? fit-il, c’est vrai, je n’y avais pas pensé ! Eh bien ! mais… Allons-y ensemble. Voulez-vous ?

— Comment donc, je l’avais sur la langue !

Il restait à Boldon une soixantaine de francs sur la « grenouille » pour faire face à la curiosité de l’intendance aux lunettes rondes. Le jeu, c’est l’ultime ressource, parfois providentielle, de ceux qui vont demander aux vieux canaux déserts le bain où se lave l’honneur et se guérit le mal de divette turque. Qu’est-ce qu’ils en feraient de ces trois louis, les brochets qui dédaignent même les pommes. Enfin, sait-on si