Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/319

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— Non, votons, proposons le cabaretier.

— Voter, comment ? objecta le rebouteux, on n’y voit rien.

— C’est vrai !

Et tous de réclamer les cierges. Le curé les alluma à tâtons, comme aveugle ; de grosses larmes lui roulaient sur le rabat. Ils votèrent dans sa barrette, sur une feuille de papier de contributions déchirée en dix morceaux et que le cabaretier avait encore dans sa poche.

Au relevé, l’octogénaire était condamné par six voix, et, par quatre, le sabotier, malheureux homme des bois, qu’ils connaissaient à peine et pour le voir une fois l’an, à la foire, les jours de fête de la paroisse.

— C’est bon, fit-il, on ira, mais qu’est-ce que je vous ai fait ?

Le vieillard de quatre-vingts ans n’y mit pas le même fatalisme. C’était un paysan sournois qui passait pour très riche et à qui on ne savait pas d’héritiers.

— L’innocent n’a pas voté, ça ne compte pas. On n’était pas onze dans la barrette.

Sur cette chicane la querelle s’engagea, sinistre, autour des cierges qui semblaient brûler pour un autodafé.

— L’idiot ne sait ni lire ni écrire. Puisqu’il