Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/320

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est le troisième, il n’a pas à désigner les deux autres. Ce n’est pas de jeu, glapissait l’octogénaire, vous êtes des misérables, nous sommes onze, onze, onze !…

— Le vote est acquis.

— Oui, oui !

— Non !

— Si !

— C’est abominable, pire que chez des loups, on n’a encore pas vu ça sur la terre ! Fusiller un vieil homme de quatre-vingts ans ! Grâce, mes amis…. Tenez, qu’est-ce que vous voulez que je donne à M. le curé pour ses pauvres, pour son église, pour vous ?

— Assez, assez, c’est la justice. On a voté. Nous sommes en République.

Pour dépeindre ce qui se passa alors dans cette église de village, il faudrait un Balzac ou un Shakespeare. Je ne l’essaierai pas. A la bouche de l’enfer on n’entend pas de pareilles imprécations. L’octogénaire, les poils hérissés, et tel un sanglier acculé dans sa bauge, vomissait, contre ses juges, le torrent des accusations de vol, d’usure, de débauche, d’assassinats, toute l’histoire de la commune, de pères en fils, sur dix générations. C’était le carnet du diable. Ah ! oui, ils méritaient d’être tous fusillés par