Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/354

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— Je vous le recommande, me dit-il : on n’en boit pas tous les jours du pareil !

Et il me versa lentement son vin clair et joyeux. Malgré les grands yeux de la mère, j’intercédai pour ma petite reine, et, sur tout le cercle de la tablée, on but à la santé de celle par qui toute piquette devient de l’ambroisie, la France !

— Il est exquis ! m’écriai-je.

— Non, mais sans flatterie, qu’en pensez-vous ? insistait le brave homme, les regards dans mes yeux et avec une angoisse comique. Je n’en avais pas bu depuis la trouée ; je trouve qu’il a encore gagné ; n’est-ce pas, femme ?

— La trouée ? dis-je en laissant retomber mon verre ; quelle trouée ?

— Celle de Buzenval. Ah ! j’y étais ! Je le dis avec fierté. Voici comment se passa la chose.

Ma foi, je le laissai parler. Il se renversa en arrière sur sa chaise, comme pour laisser s’évaporer une bouffée d’orgueil, et mettant ses mains dans ses poches, il commença en ces termes :

— Nous étions campés depuis la veille dans une sorte de hangar ; il faisait un froid de tous les diables ! Je n’avais pour tout potage que mon bidon rempli de ce vin que voilà ! Cet animal de Paluchon, notre herboriste, ronflait dans