Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/36

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tant elle crut ouïr quelque chose. Elle sauta du lit et, pieds nus, vint au berceau. Il y était à demi dressé et il y proférait enfin une onomatopée, hélas ! toute digestive : « Bouou ».

Ce balbutiement éructatoire n’était encore que le principe imitatif du langage, mais il ouvrait les champs verts de l’espérance. Elle réveilla son mari :

— Hilaire a dit : « Bouou ». Viens vite.

Mais l’is pater avait perdu la foi au futur Démosthène.

— Je m’en bats l’œil, grommela-t-il, c’est un idiot.

Et il se retourna, le front dans la ruelle.

Le temps courut et ramena l’anniversaire du mariage, qu’on commémore encore dans les naïves Batignolles. Un petit balthazar annuel assembla autour de la bourriche d’huîtres et de la fiasque de Champagne, les amis et les commères, convives ordinaires et réciproques de la fête de famille. Élargie de ses deux rallonges, la table, décorée de toutes les fleurs de la saison, semblait une corbeille de square, et comme il sied chez les petites gens, en pareille occurrence, le traiteur fut chargé de la direction d’une bataille gastronomique que je n’ai pas à vous décrire. Elle se termina dans cette exal-