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Page:Bergerat - Contes de Caliban, 1909.djvu/95

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— C’est l’aiguille dans la botte de foin, me disait Charles ; tu y uses ta force et ton temps, et, qui pis est, tu deviens grotesque.

Des marches, démarches, visites, voyages et le reste où je me dépensai, moi et mon argent, pour dénicher l’insaisissable sieur On, on ferait un roman comme Gil Blas de Le Sage, aussi aventureux et aussi philosophique, n’en doutez pas, car, en six mois, des bas-fonds aux cimes j’ai exploré dans toutes les classes la société contemporaine — et éternelle.

Un jour, enfin, nous fûmes avisés, Charles et moi, de notre destination militaire : c’était lui qui allait dans l’Est, et moi en Afrique, — ô dérision ! — dans le corps même de qui ? Du général de Madiran.

Il fallait en finir. Je m’abattis chez lui, un matin, désespéré, honteux, mais décidé à prendre à mon compte l’outrage anonyme. Je lui avais fait une seconde fois passer ma carte : « Jean-Myrtil de la Galonière », et j’attendais dans le salon qu’il voulût bien me recevoir. Ce fut une adorable jeune fille qui me fit cet honneur à sa place. Elle entra, radieuse et épanouie dans la splendeur de sa vingtième année, les mains ouvertes, avec le geste céleste qu’un Raphaël prêterait à une Aurore dissipant la brume noc-