Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/271

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ceux qui aiment à chercher dans les correspondances le secret posthume des âmes envolées y retrouveront son battement d’ailes. Je m’excuse auprès des autres d’attirer leur intérêt sur une figure de femme qui ne relève de la psychologie documentaire que par sa consanguinité avec le plus parfait artiste de la langue française. Il l’aimait pour son charme, l’honneur qu’elle lui faisait d’être délicieusement jolie, cette malice qui, au milieu d’une inondation, ne la fixait que sur la belle main d’un archevêque jetant du pain à travers les fenêtres, l’indignation, en voyage, contre les bourgeois qui dorment devant les paysages et aussi, je pense pour l’héroïsme d’un dévouement où elle se sacrifia entièrement à l’homme de gloire de la famille. Et puis il y avait la passion commune des chats !…

Les quatre lettres sont adressées d’Avignon, ville originaire des Gautier, à sa sœur cadette Zoé, demeurée à Montrouge, et toute dépareillée par une séparation qui, si momentanée qu’elle dût être, n’en était pas moins la première, et fut la dernière. Mlle Mion (diminutif provençal de Marion) était la propre sœur de Pierre Gautier, père de Théophile, et par conséquent la tante d’Émilie et de Zoé.

« Avignon, 17 mai 1856.
« Chère sœur,

« Je t’avais écrit le soir même de mon arrivée comme je te l’avais promis et je dormais tranquillement du sommeil du juste, quand aujourd’hui, en revenant du marché, je me rappelle fort heureusement que j’avais oublié de mettre sur l’adresse de