Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/90

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Et sur mon nom décliné, l’usinier, grand gaillard taillé en carabinier, recule, dessine du bras un tour de sabre et attaque mon ode aux Cuirassiers de Reichshoffen :

Nous combattons depuis l’aurore un contre dix…

— Vous voyez, sourit-il, qu’au bout de près de dix ans je la sais encore. À présent que puis-je pour vous être utile ou agréable ?

Rien à faire contre la destinée. La démence dont Zeus frappe ceux qu’il veut perdre est un mal contagieux que l’on sème même de la lyre. La Vie Moderne, dont je n’avais pas encore le titre, devait naître d’elle-même de toute éternité. Ce n’était plus ma faute. Que dis-je ?… J’en avais, chemin faisant trouvé l’idée financière, idée de génie s’il en fut, « œuf de Christophe Colomb » qui donne l’Amérique ou un cabanon à Sainte-Anne car tout fut extravagant et vésanique dans cette aventure que je vous conte sans transgresser d’une ligne son cadre d’exactitude.

Mon idée financière n’était ni plus ni moins que celle d’appliquer à mon journal d’art le système organique de la coopération. Tous coopéraient, par une mutualité de fournitures réciproques, où j’abolissais les redevances et débours et soufflais sur les échéances comme on souffle sur des têtes volatiles de pissenlits en fleurs. Le papier remboursait le loyer, qui soldait l’impression, équilibrée par la gravure, laquelle de son côté fraternisait avec la double rédaction artistique et littéraire. Et l’on partageait les bénéfices ! ! !

À cette conclusion hyperbolique, relevée d’une