Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/89

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vu ni ne verrez en ce monde réel, c’est un journal sans papier. Saint Jean lui-même, à Pathmos, n’a pas osé le concevoir dans sa divaguante Apocalypse.

Muni par les dieux et leur truchement, M. Mercier, d’un local qui par sa gratuité même devenait obligatoire, j’avais à trouver maintenant dans l’industrie illyrique du papier le fabricant idéal, poète de ce commerce, auquel l’offre humiliante d’échanger ses produits contre du vil métal bassement monnayé semblerait la plus sanglante des injures. En avait-elle de cette trempe chrétienne, notre société plus qu’aux trois quarts judaïsée ? Elle devait en avoir et s’il n’en restait qu’un, quel était celui-là ?

Dans mon ignorance, poussée jusqu’à la détresse, de la question, je résolus de n’en référer qu’au Bottin et, cela, à la chance des noms de fabricants ou de fabriques, selon la méthode fataliste des dévotes qui piquent de l’épingle à cheveux dans L’Imitation, la sentence directrice de la journée.

« Manufacture d’Écharcon ».

Je ne lus pas plus outre. Je crois aux noms. L’onomancie rend des oracles. Ma papeterie était là. Pourquoi ? Je n’en savais rien, mais elle était là — ou nulle part. Écharcon. Hoc signo vinces. Il ne me vint même pas à l’idée de demander au Dictionnaire des Communes où luisait, sous le ciel de France, le bourg de cette manufacture.

Le Bottin donnait l’adresse parisienne de ses bureaux, quai de l’École, à quelques numéros de l’ancienne librairie Charpentier. Allons, oust, au trot accéléré, comme Oreste flagellé des Euménides.

— Monsieur le directeur ?

— C’est moi. À qui ai-je l’honneur ?