Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/268

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tour de l’équitation. De braves mulets tintinnabulants nous attendent, tous harnachés, et ils se chargent de nous hisser, d’un pied infaillible, sur les plans les plus verticaux.

Où est le chemin ?

Pour moi, je n’en vois pas du tout.

Lorsqu’on ne voit pas de chemin et nulle part dans une montagne, cela s’appelle, en alpinisme, « route muletière ».

Va pour route muletière. Mais où est-elle ?

Vincent Bonnaud me montre quelque chose qui dégouline, là, en face. Je ne distingue que des cailloux, descellés sans doute par des filtrations et roulant les uns sur les autres. Ils crépitent comme grêle. C’est ça ! — Broumm !…

Ces étonnantes murailles de granit que mosaïquent les porphyres et les marbres et que les forêts de pins lariccio veloutent d’une mousse gigantesque, dessinent des coupes et des profils d’une variété, d’une richesse de formes, d’un caractère si grandiose, qu’on en demeure bouche bée et confondu.

Par instant, lorsque le col se resserre et ouvre sur nos têtes une nef immense de cathédrale, des rochers voisins, ravinés par les pluies, complètent l’illusion par des apparences d’orgues, et tout au fond, en perspective, un tabernacle se dresse sur un maître-autel avec ses candélabres de quartz.

Vingt pas plus loin, ce sont des simulacres de Babylones pétrifiées où rien ne manque, ni les remparts, ni les tours, ni les monuments, et qui paraissent avoir été laissés là, sur un plateau désormais inaccessible, par quelque retrait des mers.

D’autres fois on croit distinguer des donjons