Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 4, 1913.djvu/95

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dévoués, héroïques, stoïques, pleins de foi et de gaieté, déployaient un zèle et une patience extraordinaires. À onze heures les machinistes nous flanquaient à la porte. Cela dura quinze jours, c’est-à-dire trente heures.

Tout à coup l’imprésario avec lequel on devait faire la tournée de province déclara qu’il ne voulait pas payer la location du théâtre à Rochard, et que ce détail me regardait. Notez que je lui avais abandonné mes droits, ainsi qu’il était écrit dans la préface du roman. Laisser ces braves gens qui s’éreintaient depuis quinze jours, sans autre espérance que de gagner leur vie par une tournée, les laisser, dis-je, le bec dans l’eau et sur la fatigue gratuite de ces répétitions abominables, je ne pus y consentir. Je montai donc chez Rochard et je pris la location de la salle à ma charge.

La première était pour le lendemain.

On m’avait promis deux décors, on ne m’en donna qu’un, de telle sorte qu’avant le lever du rideau, je dus couper des indications topographiques indispensables à la clarté du drame.

Le souffleur du théâtre, celui qui nous avait aidé aux répétitions, se trouva décommandé, on ne sait par qui. Heureusement ce brave homme avait l’honneur et la fierté de sa profession ; il vint tout de même et de lui-même, ne voulant pas être complice d’un égorgement.

Je n’en finirais pas si je racontais tous les traquenards que l’hospitalité de l’Ambigu offrait à mes artistes, et j’espère que Rochard n’en a jamais rien su.

Jusqu’à la fin du troisième acte, le succès fut considérable et me donna gain de cause contre tous les