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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/100

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ment je doute qu’aucune évocation puisse le restituer plus vivant que ce triste papier jauni, relique d’amitié.

La lettre a trait à une comédie dont je vous ai entretenus dans un précédent chapitre de ces Souvenirs. Pendant mon séjour à Menton, il me l’avait fait recevoir au théâtre du Vaudeville par la Société Nantaise, sous la direction Harmand, Tricot et Fontaine, et il m’en contait l’aventure.

« Mon cher ami,

« Vous avez reçu ma dépêche, et je ne doute pas du plaisir que vous en avez éprouvé.

« Ces messieurs du Vaudeville voulaient me donner un rendez-vous pour la fin de la semaine prochaine ! ! et je le leur ai arraché pour celle-ci.

« Hier soir donc, à neuf heures, j’entrais dans le cabinet de la direction, où le verre d’eau traditionnel n’était pas encore apprêté, et, après un discours bien senti dans lequel je les prévenais du danger de votre pièce, je leur ai rappelé, avec succès, qu’ils ne pouvaient oublier qu’ils étaient les maîtres d’un théâtre illustré par Le Mariage d’Olympe, Les Lionnes pauvres et La Dame aux Camélias.

« Mon improvisation les disposa en faveur de l’auteur et du lecteur, et je commençai. Le premier acte leur a paru très bien. Le deuxième les a épouvantés. Mais je leur avais collé une cuirasse préparatoire, et, après leur avoir démontré que « la passion sauvait tout », je lus le troisième acte au milieu de leurs ahurissantes exclamations.

« C’en était fait, l’affaire était bâclée. Votre pièce était reçue à l’unanimité.