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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/102

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arpentait, se déployait et remplissait le Paris de 1867 de son activité autoritaire, dont bénéficiaient ceux qu’il avait près du cœur. Il nous entraînait tous dans le sillage de sa frégate pavoisée, et nous étions comme la clientèle de sa jeune gloire rayonnante. Jamais homme plus que celui-là n’a dégagé le magnétisme de la foi autour de lui. Il donnait l’impression exacte du conducteur d’hommes, et il réalisait le Bonaparte jeune, décrit par la duchesse d’Abrantès, traînant les Marmont et les Junot à son épée battante au fourreau, dans les carrefours où passe la Fortune.

Nul cabinet d’écrivain, nul atelier d’artiste, nul bureau de rédaction, nul salon politique influent où Coquelin ne surgît, inopinément s’il le fallait, pour enlever une position, rompre une résistance et mener la propagande de ses admirations artistiques. Pour un service rendu, il fallait qu’on lui en rendît vingt au compte de son prosélytisme amical, et déjà, à cette époque, il obtenait des pouvoirs tout ce qu’il en voulait obtenir.

— Mon cher Coquelin, lui disait Camille Doucet, le Mécène de ce petit siècle d’Auguste, je fais faire un double de la clef de ma porte. Je vous le donnerai, et, comme ça, vous n’aurez plus la peine de sonner, ni le jour, ni la nuit. Et maintenant, asseyez-vous, si cela vous est possible. Quel est votre grand poète d’aujourd’hui ?

Je me rappelle qu’une fois, en sortant du Théâtre-Français, où il venait de répéter, nous avions pris par la galerie du Palais-Royal où s’ouvrait alors le magasin gastronomique de Chevet, l’une des joies disparues de notre Paris qui les perd toutes. Coque-