Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/147

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visiteuse était restée dans l’encadrement de la porte, et elle regardait écarquillée le tableau de campement mohicanesque.

— Oh ! Que c’est drôle, fit-elle, en plein Paris !

Nous la priâmes d’entrer et de bien vouloir nous dire l’objet de sa visite.

— Tout à l’heure…, rien ne presse !

Et sans étonnement ni questions, elle alla s’asseoir sur la balançoire pendue aux hêtres, seul siège qu’il y eut dans notre savane, où elle appela tout de suite le chat dans son giron.

— Oh ! que c’est drôle !… Continuez donc… C’est votre déjeuner que vous faites ?…

— Oui, madame.

— Et si le cœur vous en dit ? ajouta Zizi avec la dernière des imprudences.

Elle éclata de rire :

— Mais, malheureux, vous ne savez même pas peler les pommes de terre !

Et, ôtant ses gants :

— Donnez-moi ça ! s’écria-t-elle.

Et ce fut à notre tour de nous ébahir. Cette élégante, cette inconnue, sur la balançoire mollement remuée, avec le chat sur les genoux, nous donnant une leçon de cuisine élémentaire, Lancret et Chardin mêlés, n’était-ce pas extraordinaire ?

— Ah ça ! mais vous les ciselez, madame.

Elle sauta à terre :

— Et le bifteck, où est-il, le bifteck ?

Nous le lui présentâmes, et, pour le coup, elle se tordit de joie.

— Mais, mes pauvres enfants, ce n’est pas un bifteck !… Ce n’est même pas du bœuf !… Ah ! ah !