Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/171

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— Ce n’est pas du génie, sourit de Pène sous le monocle, mais il faut commencer, et ça peut être drôle. Vous avez le sens de l’actualité. Allez et apportez-moi des « noubels » à la main.

Or, ce fut ce coq-à-l’âne involontaire né d’une timidité fécondée par le hasard, qui m’ouvrit Le Gaulois.

J’avais, bien entendu, fait part de la bonne aubaine aux camarades. Ils accoururent.

— Je vois grand, leur déclarai-je. Les « noubels » à la main peuvent et doivent être l’expression, le type même de la causticité du siècle dans son troisième tiers. Il s’agit d’y doser le La Rochefoucauld au Chamfort et d’inquiéter Aurélien Scholl sur son trône de sel. Une collaboration s’impose entre les Place-aux-jeunes et la gloire des Ternes est dans nos encriers. À l’œuvre, et chaque semaine, le dimanche, vous venez tous vider chacun sur ce gazon votre sac à malices. C’est une usine qui se fonde. Il va de soi que le rendement est en commun comme le labeur et qu’on le boulotte ensemble dans un « lapin sauté » de la Porte-Maillot.

Les « noubels » à la main furent ainsi faites par mode coopératif, anonyme et hebdomadaire. Leur succès fut vif, mais bref. Armand d’Artois avait pris les mots de théâtre, Maurice Dreyfous ceux de la Bourse, Albert Bizouard les cocotteries, et Zizi travaillait sur la myopie et les myopes. Il s’y était fait une patte et personne n’en attribuait de plus fortes à Paul Foucher, cible de sa verve.

Un jour je reçus un billet d’Henry de Pène. Il me priait de passer au Gaulois.

— Très amusant, vos « noubels » et d’une philo-