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Elle est commémorée, cette réponse, par la petite statue du comédien Seveste, qui orne le foyer pris sur l’emplacement de la loge de Talma et par où l’on communique aujourd’hui de la salle aux coulisses. Seveste, en effet, nul ne l’ignore, blessé mortellement à Montretout, revint mourir au Théâtre-Français, dans l’ambulance qu’y avaient organisée les dames sociétaires. Il expira d’ailleurs dans les bras de Mlle Édile Riquier, l’une d’elles, concluant ainsi — je crois qu’on peut le dire au bout de quarante ans bientôt — un doux roman amoureux qui avait failli conduire le jeune homme au suicide.

L’ambulance de la Comédie-Française, dont l’idée, je le répète, revient à Madeleine Brohan, l’a peut-être préservée des obus du bombardement, mais certainement des incendies de la Commune.

Ouverte presque aussitôt que fondée, c’est-à-dire vers la seconde quinzaine de septembre, elle fut bientôt pourvue d’une quarantaine de lits dressés dans les deux foyers, celui des artistes d’abord, et celui du public ensuite. On n’en décrocha aucun tableau, et déplaça aucun buste, de telle sorte que jamais salle d’hôpital ne fut si riante et si richement parée. Seule, la statue de Voltaire, par Houdon, fut, sur l’ordre d’Édouard Thierry, masquée d’un échafaudage de planches.

Édouard Thierry était croyant, il allait à la messe et il était même marguillier de sa paroisse, à Bagneux, où il avait une maison de campagne. Il avait craint que le rictus fameux du philosophe ne scandalisât les malades élevés chrétiennement et fidèles à l’enseignement de leurs curés.

— C’est pour les Bretons, disait-il, qu’on peut