en largeur. C’était l’Himalaya des monts de l’hyperbole. Nous restions écrasés d’y penser seulement, comme des bergers devant les étoiles.
— Comment te représentes-tu ça, toi, le milliard ? nous disait Georges, bouche bée.
Et l’un lui répondait avec accablement :
— Comme un Mont-de-Piété immense qui aurait les lunettes de M. Thiers, — définition joviale mais charentonnesque, qui ne se prêtait à aucune réalisation graphique.
— Le milliard, essayait un autre, est le nom scientifique de l’Impalpable. Dieu est milliardaire, mais je m’en fous, voilà.
Pipo éminent, Frédéric André s’efforçait de nous désobnubiler l’entendement par des images objectives à la fois et précises :
— Le milliard est, en pièces de dix sous empilées, la distance exacte de la Terre à la Lune, aller et retour.
— Qu’est-ce que ça fait en chaînes de montres négociables ? soupirait Alexandre.
— Ça fait six fois l’anneau de Saturne, moins trois mètres cinquante, mais on n’en est pas très sûr à l’Observatoire. Tout dépend de la longueur des chaînes de montres, d’abord, et ensuite de la propreté du verre de l’astrolabe. Ainsi parlait le nègre blanc.
— Quelle différence y a-t-il entre milliard et billion ? insistait Zizi effaré.
— Aucune, mais on dit : de la monnaie de « billion » et jamais de la monnaie de milliard, car telles sont les singularités de la langue française. Elles prouvent l’utilité passionnante de l’Académie.