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II

THÉOPHILE GAUTIER


La maison que Théophile Gautier habitait 32, rue de Longchamp, à Neuilly, avec les siens, n’était pas sa propriété, d’abord parce que les poètes se distinguent en ceci des gens de lettres proprement dits qu’ils n’ont pas de propriétés et, ensuite, pour cette raison propre que, plus encore que tout autre, il était fondamentalement clos au jeu tout judaïque des placements. Je n’ai jamais connu d’homme plus rebelle aux calculs de l’argent, fût-ce les plus usuels, et il n’y avait que la casuistique des lois qui lui causât une terreur plus béante.

Je n’en citerai pour exemple que la scène touchante et comique qui se renouvelait chaque mois, le jour dit de la Sainte-Touche, lorsqu’il retournait de régler les dépenses du ménage. C’était toujours après le déjeuner, autour de la table de famille. L’une des sœurs du maître était allée, dans la matinée, changer le billet de mille qui constituait le