— Père, lui dis-je, vous ne savez pas tout, ou plutôt vous ne vous rappelez pas assez !
— Quoi ?
— Votre accident fatal en Égypte, un vendredi treize ?
— Eh bien ! le bras cassé ?
— Oui, le bras cassé. Vous n’aviez pas besoin de chercher un bossu sur la Canebière. Les dieux vous avaient averti clairement.
— Comment ça ?
— Je viens du Moniteur. J’en ai feuilleté les collections, celle de 1869 entre autres, au mois d’août. Dans le numéro daté de la veille de votre départ il y a un article de vous…
— C’est bien possible.
— Un article d’art… nécrologique…
— Sur qui ?
— Sur le peintre Brascassat…
— Et puis ?
— Comment… et puis ? Songez-y donc, bras cassé… Brascassat !…
Il se dressa furieux :
— Mon yatagan ? Mes kriss malais ? Mon sabre chinois ? Quelque chose qui tranche, qui fende ou qui hache ! Mais ce n’est pas assez. Où en sont les bans du mariage ? Courez arrêter les bans !
Il m’en voulut assez longtemps de cette charge d’atelier irrespectueuse. Puis peu à peu, il se l’assimila et il la fit tourner au bénéfice et profit de sa superstition même. Quand il racontait l’aventure du bras cassé, il ajoutait à la liste des mauvais présages, celui de l’article du Moniteur :
— …Du reste j’avais écrit le jour même un arti-