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Théophile Gautier ne s’illusionnait pas et nul moins que lui ne crut au prix marchand de sa « copie ». Je vous en ai donné des preuves aux traits concluants. Quant à la consécration de l’Académie, si elle fut, et certainement, l’un de ses rêves, c’était surtout un rêve familial et propre à parer à l’assaut quotidien des êtres chers qui vous reprochent de ne pas en être, et par votre faute !

La valeur d’art, en littérature, a pour pierre de touche la rareté, comme en bibliophilie d’ailleurs, et les deux consécrations marchent d’accord et parallèles. C’est à la salle Sylvestre que dame Postérité promulgue ses premiers arrêts par le coup de marteau du commissaire priseur. Ceux qui suivent les ventes de livres et la publication des catalogues savent que, sur le marché du Livre, Théophile Gautier tient la corde et ne paraît pas devoir la lâcher de sitôt, non seulement par ses princeps, qui atteignent à des prix fabuleux, mais par les éditions de luxe que les sociétés d’amateurs font à l’envi de ses chefs-d’œuvre. La clientèle du maître est là et sans doute il n’en désire, ni de plus riche ni de plus belle. Léonard de Vinci n’a laissé que onze toiles, et c’est assez de gloire pour le temps qui lui reste à courir jusqu’à la consommation des siècles.

Théophile Gautier nourrissait à ce sujet les idées de la Grèce et de la Renaissance. Quoiqu’il ait travaillé comme un tâcheron et fourni en quarante-deux ans, de 1830 à 1872, au Minotaure de la presse, la valeur de trois cents volumes en « jus de cervelle », il eût été, s’il avait pu, l’homo unius libri de la sagesse. Il le fut même une fois, à son gré.

Chaque fois qu’il allait passer quelques jours à