Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/37

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Il fallut bien me blackbouler. Certes, je réparai quelque temps après ma défaillance, mais je n’en ai pas moins offert à l’histoire des singularités cette anomalie, sans exemple, je crois, d’un écrivain accueilli d’emblée, d’une part, au Théâtre national, et éconduit, de l’autre, en même temps, à l’Université de son pays. Peut-être vous aura-t-il amusé de l’apprendre, si ces choses amusent encore.

J’ajoute, pour terminer, que la petite pièce byronnienne en rend encore à la légende en ceci, que, répétée sans moi, sous la direction d’Édouard Thierry lui-même, elle fut représentée, le 6 septembre 1865, en l’absence de son auteur, sans qu’il s’en doutât, pendant qu’à titre de précepteur il escortait sur les routes de France un jeune élève fort récalcitrant aux études assises et auquel il enseignait la géographie d’après nature.

Un soir que nous venions de visiter le château d’Amboise et qu’altéré par un long récit de l’histoire d’Abd-el-Kader, « l’émir pensif et doux » qui en fut l’hôte, je m’étais assis dans un petit café de la ville des Guises, un journal de Tours, distraitement parcouru, m’apprit ma gloire. Une Amie avait été jouée la veille, au Molière House, par Madeleine Brohan et Leroux, avec une pleine réussite, chantait la feuille, et même le poète acclamé avait trop modestement refusé de venir saluer la salle ! Et je ressentis ce qu’un brave Crillon peut endurer à ne pas avoir assisté à une bataille d’Arques, comme aussi je compris pourquoi Henri IV lui conseillait de se pendre.

Sensation rare, dont peu d’auteurs auront eu le spasme en ce monde. Abattu sur le verre de bière,