Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/371

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— Mon devoir est de lui montrer à quoi elle s’expose en me lâchant pour le ténor à quoi rêvent les jeunes filles, et ma responsabilité paternelle sera couverte, car, si mes renseignements sont exacts, vous n’avez le sou ni l’un ni l’autre, et vous vous mariez sous le régime de la famine réduite aux acquêts.

— Vos renseignements sont exacts, et vous les avez puisés à la source même qui me les donne. Quel jour choisissez-vous pour visiter ma collection de chevelures ?

— Entends-toi pour cela avec mes sœurs. C’est elles qui me mènent à la laisse depuis que je retombe à l’enfance. On me mettra le bourrelet et la bavette et je les suivrai chez toi en suçant mon pouce.

Pour dissiper un peu la tristesse, voilée de plaisanterie, que je sentais dans cette âme si tendre, je l’avais assuré que, chez des Peaux-Rouges dignes de ce nom et bourgeoisophages, la reine naturelle d’un festin de noces ne pouvait être que celle qui portait le nom de Langue de cô.

— Alors, tout va bien et ton mariage est sûr, avait été sa réponse ; tu es moins bête qu’il ne me restait à l’espérer encore.

La date du déjeuner fixée et prise de la bouche de la redoutable Zoé, je n’avais plus qu’à en organiser la fête, et ce n’était pas commode, d’abord pour cette raison majeure et capitale que je n’occupais plus le pavillon Turquet. J’en avais été « remercié » par le propriétaire, homme patient, mais homme, qui sans vouloir se métamorphoser en vautour avait bien été forcé de s’en mettre une plume à l’oreille. Comme il était convenu qu’après mon mariage je devais habiter chez mon beau-père, avec sa fille, et occuper