Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/397

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kespeare qui ne le sait pas, et vice versa, mais tous deux le savent admirablement : sortez du dilemme.

Je me rappelle nos éternels démêlés avec Francisque Sarcey à ce sujet :

— Vous aurez beau faire et beau dire, Caliban, me criait-il de sa loge du Temps, tout est dans Scribe, qui est l’envers d’un poète pourtant.

— Oui, lui rétorquais-je, tout Scribe, c’est-à-dire rien. Là où Scribe finit, l’art dramatique commence, ou, pour mieux dire, recommence, car c’est Scribe qui a tout interrompu.

— Et avec qui ça recommence-t-il ?

— Avec les poètes.

— Par exemple ?

— Avec Alfred de Musset, dans son fauteuil. Il n’a pas besoin, celui-là, de s’exercer comme Sardou à trouver, sans les connaître, les dénouements d’une situation scénique proposée. Il a allumé sa cigarette et il a fait : On ne badine pas…, Lorenzaccio, Le Chandelier et Les Caprices de Marianne… Mais où est Bertrand et Raton ? Là où sont les pelotes de ficelles… d’antan ?

— Musset est une exception. D’ailleurs, il avait du génie.

— C’est, je crois, ce qu’il faut avoir, le reste n’étant que du négoce.

— Ah ! vous ne nierez pas que le père Scribe n’ait su faire une pièce ?

— C’est précisément ce qui lui a manqué, cette science même, parce qu’elle est innée. Alfred de Musset savait le théâtre, et Scribe ne le savait pas. Scribe n’était pas poète.

Et mon vieux professeur s’en allait, les bras levés