Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/128

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au dos, et vous plantait d’aplomb dans les yeux son regard clément mais sans sourire. Les anxieux de l’Idée rient peu, en général, si gais soient-ils intérieurement. Seuls, les formistes ont les lèvres en fête. Les joyeusetés de Dumas s’exprimaient par une sorte de crachotement sec et réitéré que traduit très bien le : « peuh peuh »… du vieux répertoire, mais les yeux ne cillaient point, ils gardaient la mélancolie auguste de la vie. Même dans le lancement des traits, l’archer suivait surtout le vol de la flèche et le bruissement de ses pennes.

Je me rappelle qu’en descendant un jour la rue du Rocher, nous vîmes venir un personnage fameux de la comédie parisienne qui cuirassait une moralité à la blancheur douteuse, d’une correction de tenue impeccable et imperturbable. Dumas lui rendit son salut brièvement et quand il fut passé. — C’est X… Est-il propre, ce cochon-là !… cingla le maître, peuh, peuh !… Et il continua à m’exalter l’Évangile.

L’homme moderne, vous dis-je, de toutes pièces et dans toutes les recherches, sans laisser celles de l’athlétisme. Il avait été, et pouvait être encore, à ses loisirs bâtonniste, savatiste, pugiliste sans pair et son adresse aux jeux forains était proverbiale. Lorsqu’il demeurait à Saint-James, il s’amusait à parcourir la fête de Neuilly et non seulement à relever tous les caleçons de luttes, mais à tirer tous les macarons de chances sur les deux rangées de barraques. Il en revenait toujours et infailliblement, deux paires de lapins aux poings, et les aisselles pleines de vaisselle : — Non, monsieur Dumas, non, nous aimons mieux vous les laisser choisir, prenez le lapin, nous y gagnons encore.