Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/134

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Je m’en irai sur cette foi qu’on peut faire son trou sans le faire dans de la chair humaine et qu’il n’est pas du tout nécessaire, pour être un grand homme, de se hisser sur un monceau de rivaux écrasés. Il m’a été donné de constater de visu que la bonté la plus évangélique n’est point du tout incompatible avec l’esprit le plus diabolique, et que, lorsque le cœur est large, et, s’il y a de la place, ils vivent en parfait accord et font un ménage d’amoureux. Et si l’on me disait que, plus proches encore, ils sont de même sang, et comme par exemple frère et sœur, vous ne m’en trouveriez pas autrement étonné. Il n’est méchants que de sots, comme il n’est cruels que de lâches.

Le voilà en face de papa sur la place des Trois Dumas. Mais puisque statue il y a, j’en ai une de mon ami dans l’âme, où je me la suis modelée pour mon usage. Elle représente un grand diable assis à sa table en robe de chambre, la plume levée, et n’osant pas écrire à un inconnu qui l’admire et qui l’aime de peur d’avoir l’air d’un pédant, en y joignant un conseil qui pourrait lui être utile. Autour de cette icône, mes souvenirs font un square fleuri.