Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/14

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soir étant venu, nous pensâmes à tendre le lit, ou si vous voulez, à le draper. Rien n’eût été plus simple, et j’excellais à cette besogne, si nous avions eu des toiles nécessaires. L’usage en France en appelle deux, l’une sur le matelas, l’autre sous la couverture. Mais il en avait été pour les draps comme pour les chaises, on les avait laissés à l’héritage. Je finis toutefois par trouver ce qu’il fallait dans mes hardes de garçon, soit un drap élimé, usé, rapiécé, de lit de fer, et la moitié d’un autre en pire état encore, où j’avais taillé des serviettes. Mais ce drap et demi était à nous, bien à nous, il ne devait rien à personne. Le visage d’Estelle rayonnait, et je vis à cette joie que mes craintes étaient chimériques, que je n’avais plus qu’à engager le combat et que le bon Dieu m’avait donné l’amie éternelle, celle dont le cœur est sûr. Le lendemain, comme des chrysalides de Villiers s’envolait un papillon, l’homme était sorti du bohème.