Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’autre écopaient, défendus, je dois le dire, énergiquement par Émile Zola, l’idée me vint de jeter dans le débat la confidence du père Robelin, et jamais je n’en eus de plus malencontreuse. Le silence glacial au milieu duquel on m’écoutait aurait dû m’avertir de mon impair, si les grandes gaffes n’avaient en elles-mêmes un vertige ; et j’allai jusqu’au bout de la mienne, ignorant d’ailleurs où elle m’entraînait.

— Et voilà pourquoi, conclus-je en reprenant le mot de Robelin, Alfred de Musset s’absinthait au Café de la Régence, et non pour autre chose : l’infortuné était épilep…

À ce moment, le bon géant, qui, debout, était adossé à la cheminée dans sa robe de chambre grise à cordelière, oscilla comme un peuplier fouetté par le vent d’orage. Mais d’un geste, il se reprit :

— Ce n’est rien, la chaleur. On étouffe ici, ne trouvez-vous pas ?

Cinq minutes après, tous les familiers du « grenier » se retiraient sous divers prétextes, et je compris.

— Pourquoi ne m’as-tu pas fait un signe ? reprochai-je à Daudet dans la rue.

— Il l’aurait vu. Il ne sait pas que nous savons, mais il épie. Comme personne n’a bronché, ton histoire même aura servi à lui confirmer notre ignorance. Mais ne reparais pas dimanche. Aucun de nous ne viendra, du reste. Il est huit jours à se remettre de la crise.

J’ai toujours pensé, je pense encore, que le célibat défensif du maître s’explique par ce secret du mal caduc qui le rongeait et qui ne fut livré au public qu’après sa mort, bien inutilement peut-être, par