Mettez-vous au vert, surmenés, et siestez dans le duvet odorant de la terre, c’est ici qu’Antée reprend en la touchant des forces contre Hercule. Heureux ce pêcheur, homme sage et selon Dieu, qui, de son petit bachot, jette sa nasse dans l’Oise, et qui est le bonhomme du paysage, comme on dit dans les ateliers.
Nous voici chez Diaz, et c’est être chez Merlin l’Enchanteur, dans sa forêt magique. Comme étonnée de notre témérité, elle nous regarde par la prunelle de ce ciel tourmenté qui, dans le cillement d’une éclaircie, darde son bleu ardent et profond. Sa lueur se projette, condensée, sur une marnière sablonneuse qui miroite comme un plateau de cuivre dans une cave rembrandtesque. De hauts chênes, aux troncs verdegrisés à la fois et rouillés, se dressent en colonnade du palais forestier. Une source filtre à travers les bruyères roses, y serpente et se perd entre les rocs mousseux comme une couleuvre aux squames d’argent. Sur la droite deux hêtres morts tressent au tableau une bordure de branches bronzées que mordore un rayon d’aventure. Oh ! cette féerie, je vous dis que c’est Brocéliande, à moins que ce ne soit tout simplement notre Bois Sacré français ! Quel décorateur que ce Diaz, celui de Shakespeare !
Arrachons-nous du jardin de Rosalinde pour errer aux bocages élyséens que la pipette du père Corot vaporise. Trois ou quatre bouleaux argentés, éventés mollement par Zéphyre, prennent leur bain matinal d’azur turquoise où l’Aurore trace encore ses talons roses. Les nuées sortent, irisées, j’allais dire : poudre-de-rizées, et envahissent le champ céleste,