C’est par Coquelin cadet que nous avions été présentés l’un à l’autre et bien avant la guerre. Gouzien était alors employé aux Postes et Télégraphes, place de la Bourse. Il y touchait du Morse sans vocation, étant plutôt musicien et compositeur. Le monde où l’on chante lui devait même cette charmante légende de Saint-Nicolas (Il était trois petits enfants) dont il avait bémolisé le texte recueilli par Gérard de Nerval dans l’Île-de-France. D’autres harmonisations de chansons régionales augmentaient un peu ses ressources sans le fixer toutefois à l’art de Beethoven, parce qu’il était touche-à-tout de nature et créé de toute éternité pour être… inspecteur des Beaux-Arts.
Il s’était trouvé, je ne sais comment, mêlé à l’affaire de la fondation du Gaulois et il recrutait pour ce journal les meilleures plumes de l’époque. Par sa bonne humeur communicative, sa voix chaude et la ferveur naïve de ses admirations il obtenait les concours les plus rares et il rabattait les maîtres comme faisans en clairière. On lui avait confié la rubrique du reportage qui n’était encore qu’à l’état initial et ne dévorait pas tout le papier de la petite presse. Ce fut Armand Gouzien qui, sans s’en douter, le lança dans la voie américaine par l’idée qu’il eut de damer le pion à la Police dans la recherche de l’insaisissable Troppmann. Il partit pour l’Alsace, son Edgar Poe dans la poche, et les lettres qu’il adressa au Gaulois sur sa chasse de limier amateur passionnèrent la ville et la Cour. S’il ne fut pas celui qui découvrit l’assassin abominable c’est qu’on ne peut pas être à la fois inspecteur de la Sûreté et des Beaux-Arts et que ce serait trop pour un seul homme.
D’ailleurs Richard Wagner venait d’apparaître. Son