Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/237

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bavette avec les camarades dans cette salle basse, éclairée par le transparent d’un marchand de vin de Champagne, et où tout ce qui comptait dans les arts en 1879-1880 a passé, depuis Meissonier, jusqu’à Flaubert, et de Gambetta à Sarah Bernhardt. Félicien Rops les étonnait tous par sa verve diabolique et l’intransigeance enthousiaste de sa doctrine baudelairienne. Il réalisait à lui tout seul le programme de cette publication, nommée La Vie Moderne, dont le titre l’avait enchanté et conquis. Et en l’écoutant, j’étais toujours frappé de la justesse de la définition d’Alphonse Daudet : « un tzigane belge qui satanise ». Il n’y manquait que le violon ensorcelé de Racoksy.

— Daudet ne croit pas si bien dire, fit-il, un jour que je la lui citais à lui-même. Si je suis né Belge, en effet, ma famille est hongroise. Aujourd’hui encore, toute une branche s’étale et ramifie au pays des magnats, magnate elle aussi, et Gouzien peut te conter la réception splendide qu’elle me fit lorsque je lui rendis visite. Quarante Rops à cheval y vinrent à ma rencontre, et je fus, là, traité huit jours comme un chef de clan. Ces choses consolent, vois-tu, de ne pas être dans le Larousse. On descend d’une race de Huns, puisque les Hongrois sont des Huns, et l’on a eu des ancêtres à têtes de loups, auprès d’Attila, dans les champs catalauniques. Tu peux dire ça au petit Daudet, quand tu le rencontreras à Tarascon.

Félicien Rops occupait alors, en dehors de ses logis mormoniques, si toutefois Gouzien disait vrai, un bizarre appartement dans les combles du Crédit Lyonnais, sur les boulevards. Il y avait ses ateliers d’aquafortiste, auquel on n’accédait que par un laby-