Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/255

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— Vous avez tort, il faut avoir le courage d’être officier de la Légion d’honneur. Venez que je vous en offre l’insigne.

Et l’on avait toutes les peines du monde à l’empêcher de vous traîner chez un marchand de décorations.

Il n’y avait pas à supposer qu’il s’adonnât en pince-sans-rire aux joies de la mystification. Bachaumont croyait. Il avait foi en Paris. Il niait la détresse des artistes, la blague de leur impécuniosité légendaire, il clignait des yeux en compère quand on parlait devant lui du réchaud de Lantara ou du grabat d’Hégésippe.

— Elle est très drôle, riait-il, c’est le coup du Malfilâtre et les bourgeois y coupent toujours ; mais entre nous, hein ! inutile de se la faire. L’hôpital n’est qu’un socle.

Et visiblement, il le pensait comme il le disait, dans la merveilleuse aberration de son somnambulisme bénévole.

Une fois, ayant ouï dire que Paul Arène se trouvait par hasard dans le « that it is » de payer ou de ne pas payer son terme, il courut à grandes enjambées chez l’auteur de Jean-des-Figues.

— Qu’est-ce que j’apprends ? Il faut que je vous gronde. Vous n’aviez qu’à m’envoyer un télégramme. Vous êtes impardonnable.

— Quoi, quoi, quoi, coassait Arène, qui le connaissait à peine et ne savait ce qu’il voulait dire.

— Allons, allons, oublier son terme, cela arrive à Rothschild lui-même, et admirez la coïncidence. Hier au soir, chez le baron de Hirsch, vous étiez sur le tapis, vous et vos ouvrages, ses livres de chevet.

— « Qu’est-ce que je lui ai fait, disait le baron,