Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/258

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Oh ! l’air de Paris, c’est lui qui la rend contagieuse, puisque ça s’attrape ! À la fin de ce déjeuner j’étais bon pour la camisole.

— Allez embrasser votre femme et votre enfant, et rendez-vous à la gare du Nord, train de Calais-Douvres. À tout à l’heure.

— Où allons-nous, Bachaumont ?

— Je ne vous l’ai pas dit ? À Glascow, chez le brasseur. Je l’ai touché par dépêche. Il nous attend.

— Le brasseur de Glascow ? béai-je.

— Est-ce que vous ne le connaissez pas ? Vous seriez le seul en Europe, que dis-je, en France. C’est l’homme qu’il vous faut, il raffole des gens à idées. Il a toujours le million pour eux, sous son presse-papiers. C’est comme si vous teniez le vôtre. Courez faire votre valise. Mais, j’y pense, quel âge a-t-il, votre petit garçon ?

— Trois ans. Pourquoi ?

— Parce que je lui ramènerai d’Écosse un de ces petits poneys qu’ils ont là-bas, pas plus hauts qu’un terre-neuve et doux comme un mouton, que l’on mène à la caresse. Promettez-le-lui de ma part.

Mais je ne rentrai pas faire ma valise. Ce brasseur de Glascow m’avait rendu un peu perplexe. La raison me revint en consultant le registre où chante la sagesse du négoce. Sur les trois abonnés qu’il étalait, aucun n’était brasseur à Glascow ni ailleurs et j’estimai que le Mécène, s’il aimait tant la France, aurait commencé par honorer la « catapulte » d’une inscription à son livre de caisse. Et le million me fut douteux, non sans cause peut-être.

Me croira-t-on si je dis que Bachaumont m’attendit à la gare, en costume de voyage, le plaid dans la