Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/29

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— Ça viendra, il est en route. Je sens qu’il est en route.

— Il y faudrait d’abord un autre Gœthe peut-être ?

— Absolument inutile.

— Alors un autre Gounod, insinuait Silvestre.

— Ça, oui, mais où y en a-t-il ?

— Le petit Massenet ? Il va très bien.

— Ou Saint-Saëns, disais-je.

Et après un silence, savamment combiné pour l’effet, Silvestre se frappait le front et, comme inspiré, s’écriait :

— Carvalho, j’ai votre homme.

— Qui ?

— Offenbach.

C’était foudroyant. Pâle, la lèvre tremblante, il empoignait à pleine main le simulacre, qu’il dégainait, et, ouvrant rapidement la fenêtre, il jetait le sort sur les boulevards.

Tel était le « geste antique ».

Ce fut au cours de l’une de ces visites vespérales, conclues généralement par une promenade noctambulesque, que nous l’intéressâmes à une pièce où nous avions, Armand et moi, renoué notre collaboration.

Le thème, il faut le reconnaître, en était presque impossible, du moins à cette époque, car, depuis notre Ange Bosani, on a porté à la scène des études dramatiques plus corsées que celle d’un mari qui trafique de sa femme.

Montigny, à qui nous l’avions d’abord présentée, en avait été interloqué. Je le vois encore dans son cottage, à Passy, nous regardant l’un après l’autre pour tâcher de deviner quel était le plus dément des