Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/298

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traitement d’un sous-chef de bureau dans un ministère !

Le lecteur, sans doute, n’attend pas de moi que j’entreprenne ici une étude complète et raisonnée de cette œuvre considérable. Il y faudrait un gros volume. Du reste, je l’ai déjà écrite en partie, du moins pour ce qui a trait à la décoration de l’Opéra[1]. Je ferai seulement remarquer par quelle série de travaux préparatoires Baudry s’est mis en mesure d’affronter la responsabilité d’un tel travail et de se montrer à la hauteur des espérances que fondaient sur son talent M. Charles Garnier et, avec lui, toute la France. Il faut remonter jusqu’au seizième siècle et à la Renaissance, pour trouver dans un maître tant de conscience unie à tant de valeur, et une si fière modestie. Non content de s’être exercé dans les riches demeures particulières, à cet art décoratif dont il possédait à fond la théorie, et pour lequel il est doué d’un génie naturel, Baudry, aussitôt la commande reçue, part pour Rome, et s’astreint à copier, comme un humble élève, les onze fresques de la Sixtine. Il va se faire la main au commerce intime de Michel-Ange. Au sujet de ce voyage, Théophile Gautier écrivait : « L’œuvre de Michel-Ange se présente tout d’abord à l’esprit comme une consécration de la force. Mais, quand on l’étudie, on s’aperçoit bientôt que ce Titan de la peinture a une grâce suprême, — la grâce des forts ! Il possède une élégance hautaine, une coquetterie grandiose, un charme

  1. Voir Peintures décoratives, de Paul Baudry, au grand foyer de l’Opéra, par M. Émile Bergerat, préface de Théophile Gautier. Un volume in-18, chez Michel Lévy, 1875.