Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/299

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surhumain, et, dans sa sévérité même, une volupté féminine indéfinissable. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder, sur les tombeaux des Médicis, les figures étrangement belles et d’une fascination si puissante de La Nuit et de L’Aurore, et, au plafond de la Sixtine, Ève, d’une incomparable beauté, que n’atteignit jamais Raphaël, irrésistible tentatrice pour qui Adam dut perdre le paradis sans regret. D’autres personnages de pendentifs et des voussures ont cette grâce fière qui fut comme l’aristocratie et l’insolence du Beau. »

Ceux qui ont vu au Musée des Copies, si intelligemment réunies par M. Charles Blanc, les reproductions de la Sixtine, faites par Baudry, comprendront toute la justesse de cette remarque de Théophile Gautier. Mais, après s’être pénétré de cette « insolence du Beau » que dégage Michel-Ange, Baudry voulut encore s’assimiler l’ineffabilité qui émane de Raphaël. De là son voyage à Londres et les copies qu’il en a rapportées des cartons d’Hampton-Court. Il était prêt désormais, et pouvait regarder sans terreur les cent mètres de muraille que Garnier lui donnait à décorer.

Qu’ajouter maintenant à cette biographie à la fois trop courte et trop longue ? Parlerai-je des soucis et des points noirs de sa vie ? Dirai-je les appréhensions qu’il a de voir un jour ou l’autre ses peintures de l’Opéra rongées et détruites par le gaz du foyer ? Il voudrait que l’État les fit copier, elles aussi, par les meilleurs élèves de l’École, et qu’on plaçât ces copies à la place des originaux. Ce rêve sera-t-il comblé ? je l’ignore. M. Garnier, du reste, se rit des craintes de son ami, et l’accuse d’être mauvais chi-