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DEUX GRANDES HÉTAÏRES



I

LA PAÏVA


C’est à un concert wagnérien, deux ans après la Guerre, que dans les salons de Nadar je l’ai vue pour la première fois, et, Dieu merci, la dernière, car quelle brucolaque ! Elle avançait entre les chaises, automatiquement, comme mue par un ressort à boudin, sans geste, sans regard et pas plus de plis à sa robe qu’à une cloche. Derrière elle, en page porte-queue, un magnifique étalon humain des haras scytes, lent et doux, rétrécissait l’empan de son enjambée de géant pour suivre ce godenot roulant de danse macabre. Comme il jouait avec les breloques de sa chaîne de montre, il paraissait ainsi prêt à en remonter, en cas d’arrêt, la mécanique. Or, cet homme de trente à quarante ans, beau, fort, hautain, comme un