Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/311

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simplement des Andelys (Eure), affectait des manières anglaises et brummelliques, à cause de ses élèves mondaines, et on ne pouvait lui faire de plus vif plaisir que de lui donner du sir Tcharles Tchapline. Or, aux questions que je lui posais en chemin « pour ne pas commettre de gaffes », il ne me répondait que par petites phrases elliptiques où le cant le plus britannique s’alliait à la charge d’atelier la plus gallicane. — « Ne lui parlez pas des Pays-Bas. » Ou bien : « Ne lui demandez pas d’orange. » Soit encore : « Ne vantez pas l’éclairage au pétrole. »

Et, sans être Edgar Poe ou le dernier des Mohicans, je reconstituais à peu près le roman. Le roi des Pays-Bas était Guillaume d’Orange, le troisième, et l’éclairage au pétrole imageait par une expression d’argot boulevardier l’origine de la fortune de sa maîtresse.

Yes, fit Tcharles Tchapline, ça y est.

En dehors de cette liaison néerlandaise, que le Lindor royal avait rompue et soldée par le don à l’envolée d’une liasse d’actions libérées de mines de naphte, la chronique ne contait rien d’extra-moral ou d’extra-légal sur la millionnaire, et ce n’était vraiment pas sa faute, même en Bourse, si, pendant qu’elle fuyait de La Haye avec, dans son réticule, ce paquet de monnaie de singe, toute l’Europe s’était mise à s’éclairer au pétrole, et l’Amérique aussi, dans les palais et les chaumières.

Rentrée à Paris, elle avait pris Musard, et c’était tout. Il était son dernier geste, le geste du repos.

Voici, mise au point de toilette, ma notation sur cette visite.