Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/316

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roses. — Aoh, shocking, Tcharles. Mais je suis seul à rire dans ce capharnaüm aux lambris de chêne tabellionesques.

Service en vaisselle plate. Tu penses ! Au dessert il fait place à un autre en saxe ajouré et dentelé dont je me contenterais pour ma vitrine. Deux carafes de vin, rouge ou blanc, aux choix, sans plus, nuls tous les deux. L’antiquité avait l’amphore, nous avons le litre, a dit Jules Vallès. Huître, côtelettes, tête de veau (sans glycérine), asperges de conserve, foie gras, deux fromages, chester en pain, camembert en boîte. — Point de hollande, naturellement, et parmi les fruits, nulle orange. Je l’eusse parié ! Mais à la fin du repas on apporte à l’hôtesse une coupe particulière, pleine d’un chypre parfumé qu’elle lampe d’un trait, sans en offrir à ses convives. Et le mari pique un fard. Voilà sa vie, au pauvre bougre !


V

Elle est américaine. Mes compliments. Mais comment ne l’ai-je pas deviné plus tôt ? Il est vrai qu’elle s’est tenue tout le repas sur la réserve, voire sur la défensive. Quelques monosyllabes dans le crachoir du cohabitateur. Mon nez l’inquiète, avec sa pointe. Je le mets de face tant que je peux. Le flegme de Chaplin m’ébahit. On dirait Wellington à Waterloo devant Cambronne, tel du moins qu’on se le figure, car le cohabitateur empile les âneries d’art. Est-ce là vraiment le fils de ce prodigieux Musard qui, bien avant Offenbach, mena la bacchanale ensorcelée de la Nuit parisienne ?