Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/76

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de Théophile sont les miens. Vous êtes ici chez lui. Présentez-moi votre mari. — Puis il s’est tourné vers moi, et, pensant visiblement à autre chose : — Je vous lis. Vous êtes charmant !…

« La voix de Victor Hugo est d’une cloche d’airain très doux, à la sonorité amortie, mais faite pour sonner aussi bien le tocsin que le mariage ou le baptême. On la sent oratoire. Quand il dit de ses vers il doit les souffler dans la conque de Neptune. — Je t’assure que tous les pieds y sont, me dit Monselet, qui prétend l’avoir entendu à Guernesey. Quant aux rimes, des gongs !

« Je ne sais pas pourquoi cet animal de Monselet jubile de mon embarras, avec sa cravate blanche !

« — Madame, je crève de faim, tinte gaiement la cloche veloutée. »

— Mais on attend Mme Lockroy qui ne descend pas avec les enfants. Le grand-père s’impatiente et va les chercher. Il revient avec Jeanne, qu’il tient par la menotte. Elle a une excuse valable, déclare-t-il, dis ton excuse. — Et Jeanne fait : — Voilà, je m’ai frisée moi-même ! — Vous le voyez, elle s’a frisée elle-même, plaide l’aïeul épanoui, et il la montre comme Phryné aux juges. Elle est absoute par les plus sévères.

« Mais voici Georges avec sa mère. Le fils de Charles, l’héritier de la race et dauphin de la dynastie, est la réincarnation saisissante du Victor Hugo des Odes et Ballades tel que le portraiture la lithographie de l’édition de 1828. Aussi beau que l’était son père, il a, de sa mère, ce charme particulier qui l’enveloppe comme une gaze d’Orient parfumée. Puis vient Édouard Lockroy que je n’avais