Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/143

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goûté des choses par ceux qui les obtiennent, des femmes par ceux qu’elles ont aimés, des maisons où l’on est reçu par ceux qu’on y reçoit. »

— Ces trois mirlitons-là, remarqua Zizi, n’ont pas besoin de pelures d’oignon, ils pleurent tout seuls, mais quels autographes ; ils valent bien l’un dans l’autre cinq francs chacun. Ah ! quel dommage !

— Mais, messieurs, répliquait-elle, il n’y a presque plus personne. J’ai les jambes dans le ventre et l’estomac dans les talons. À qui voulez-vous que je les place, vos mirlitons ? À vos massiers ? Mais ce ne sont pas des êtres vivants, ils sont en bois sculpté. Laissez-moi m’en aller, je vous en prie.

— Pas encore, écoutez d’abord, dans ce chalumeau, le cri d’extase de Ludovic Halévy : — « Heureux mirliton, qui bientôt sera pour les mondés vendu par Sarah ! »

— Et ce soupir de bambou exhalé par Jules Sandeau : — « Jamais un mirliton n’eut pour vous tant d’appas, donnez à la marchande et ne marchandez pas. » Vous allez désespérer ces deux académiciens !

— Ah ! ne me faites pas pleurer, dites ?

Et elle se tamponna les yeux de son mouchoir.

— Il y en a de si amusants, suggérait l’administrateur. Tenez, celui d’Eugène Labiche : — « Ma maîtresse se nomme Constance ; avec son nom, ah ! quelle différence ! » Toute l’œuvre du maître est là en somme. Laisserez-vous choir encore dans l’éternel oubli ce distique définitif de Monselet qui a fait trembler d’envie Victor Hugo sur sa base : — « J’aime à caresser ma maîtresse en lisant l’Magasin Pittoresque. »

Pour le coup elle éclata de rire. — C’est trop drôle,