Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/168

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Vie Moderne, boulevard des Italiens, 7, société anonyme ; capital, cinq cent mille. Bulletin financier à prendre… ou à laisser… Affaire d’or. Directeur, moi. Pas de comtesse. Comtesse, blague pour violer huissier aux beaux mollets. Voilà.

M. de Soubeyran releva la tête, qu’il avait tenue baissée en m’écoutant ; il riait, et d’un rire d’enfant. Adolphe Racot les avait bien jugés.

— C’est très drôle, mais je n’ai pas le temps. Je connais La Vie Moderne. J’y suis entré. J’ai vu votre exposition d’Édouard Manet. Je n’aime pas beaucoup ça. Mais n’importe, venez me voir. À bientôt, je vous quitte. Ils gueulent là-dedans, les entendez-vous ? Rien à faire pour le bulletin financier, mais si vous avez besoin, pour vous, personnellement, de deux cent cinquante louis… c’est le moment…

— Merci, saluai-je, j’allais vous les offrir. Et je revins, béjaune.

Ce qu’elle en étalait cette rue Louis-le-Grand, à droite, à gauche, à tous les étages et d’un bout à l’autre, des Banques de Crédit, au capital de dix, cinquante et cent millions, c’était écrasant — et dérisoire. Je m’y faisais l’effet d’un Gringoire, rue aux Oies, au milieu des rôtisseries odorantes et ne sachant pas plus que lui où ni comment décrocher ma poularde. Et de fait, pourquoi diable mon administrateur m’employait-il à cette recherche des bailleurs de fonds pour laquelle il semblait tout indiqué par sa fonction même et qui lui seyait en outre comme de cire ? Mon four auprès de M. de Soubeyran ne pouvait laisser aucun doute sur mon inaptitude poussée jusqu’à l’ineptie, au maniement des hommes d’affaires. Mais Georges Charpentier, en devenant