Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/179

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souvent demandé ce qu’il serait devenu et jusqu’où il serait monté si la fatalité d’une mort accidentelle ne l’avait point arraché prématurément à la patrie française. Peut-être avait-il atteint à l’apogée de son destin, et les poètes diront-ils qu’il était trop fondamentalement honnête homme pour être un Mazarin et même un Richelieu.

— Parions que vous venez voir ma baignoire d’argent, fit-il en nous tendant les mains. Si l’un de vous trois a dans son gilet le couteau de Charlotte Corday, il frappera un Marat tout habillé et Rochefort dira que je ne prends pas de bains. Mais entrez donc et asseyez-vous. Qu’est-ce qui vous amène ?

— Je serais bien embarrassé de vous le dire. Mais voici Georges Charpentier qui le sait et Daniel Vierge qui s’en doute.

— Mais, malheureux, je suis au travail depuis six heures du matin et j’ai enfilé ma veste pour vous recevoir. Voyez ce monceau de paperasses sur la table, et j’ai des audiences jusqu’à midi. Hâtez-vous. Qu’y a-t-il ?

Vierge avait apporté son dessin sous son bras dans un journal. — Voici… Permettez-moi…

— Oui, je l’ai vu dans La Vie moderne. Il est superbe comme tout ce que vous faites. Vous n’avez pas dû vous amuser beaucoup à mon festival présidentiel ? Ça manquait un peu de cotillons. Que voulez-vous, je suis garçon, c’est l’inconvénient, le seul, du célibat. Mais remportez votre dessin. Je n’accepte aucun présent de cette espèce. Après la baignoire d’argent, ce serait la galerie de tableaux pleine de Rembrandt et de Corot… Rochefort me guette. Miséricorde !