Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/181

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Vierge du refus de son beau dessin commémoratif.

Au bout de dix minutes, la porte du cabinet se rouvrit et Georges reparut, amicalement poussé par le dictateur ; il avait la figure un peu longue.

— Non, mon cher ami, et dans votre intérêt, dites-le bien à votre excellente femme. Quand on occupe à Paris une position libre comme la vôtre, on ne la délaisse pas pour un mandat municipal. Faites des livres, éditez de bons et de braves auteurs, et marchez sur les traces de votre père. Votre vie est là, et non pas ailleurs.

Et se tournant vers moi, Gambetta esquissa un haussement d’épaules, paterne et bénévole, mais significatif : — Savez-vous, Bergerat, quelle tarentule le pique ? Il veut être échevin de son arrondissement !

Et comme, à la révélation de ce rêve, plus décevant pour moi que pour tout autre au monde, je n’avais pu retenir un éclat de rire assez douloureux, le pauvre Zizi me lança un regard où je lus la fin de La Vie Moderne, avec celle, plus grave, de notre amitié.

Je ne me trompais pas. Le refroidissement tourna à la congélation et quelques mois après Georges Charpentier signa seul en triple qualité de directeur, administrateur et gérant, le périodique décapité dont je vous ai conté la facétieuse légende. J’ignore ce que depuis mon départ ce papier est devenu, et il en est de cela comme du sort de mon cousin Antonin, duc de San Valentino, l’anti-caissier de sa période héroïque, mais il me semble bien que Zizi ne fut jamais édile. Quant à moi, je rentrai dans les lettres, hélas ! par la porte dantesque du théâtre dont l’Odéon est le portique.