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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 3, 1912.djvu/21

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des cheveux se reproduisaient au corsage. Quand elles se levèrent pour applaudir M. Peter Benoit, ce fut comme une personnification des trois Grâces d’Anvers.

D’ailleurs j’ai plaisir à le reconnaître, les femmes de la ville n’ont qu’à gagner à ces fêtes publiques qui les font sortir du gynécée. Non seulement elles sont fraîches et jolies, mais elles s’habillent avec goût, simplicité, et sans surcharge « province » d’ornements. La démarche seule laisse à désirer. Mais on ne marche bien qu’à Paris. La plupart des jeunes filles de la bourgeoisie appartiennent à diverses sociétés chorales et comme elles tenaient toutes leur partie dans la cantate, nous avons pu admirer à l’aise, sur l’estrade où elles étaient réunies, leurs grâces décentes et leurs carnations blanches. Devant cette estrade, on avait dressé une sorte de petite tribune en bois pour M. Peter Benoit, car il fallait qu’il pût être vu, non seulement de ses mille exécutants, mais de tous les spectateurs. Les journaux de la ville avaient prévenu le public que le silence était de rigueur pendant l’exécution ; du reste de petits placards sur lesquels les mots « silence ! » et « stilte ! » étaient écrits, avaient été cloués sur les poteaux. Aussi dès que le chef d’orchestre eut levé son bâton, on n’entendit plus que le bruissement des feuilles… Je n’irai pas jusqu’à tirer des conséquences politiques de cette observance unanime des Anversois pour les ordres de la municipalité, mais je te déclare que, en ma qualité de Français, j’en fus extrêmement édifié.

La cantate de M. Peter Benoit est une œuvre d’un grand labeur et parfois d’une portée musicale assez